Vers une nouvelle gouvernance pour la perliculture
La perliculture est une filière emblématique en Polynésie française. Avec 60 % des recettes d’exportation, il s’agit de la deuxième ressource propre du Pays après le tourisme. Née à la fin des années 1960 avec la maîtrise de la technique de greffe et le développement du collectage naturel de naissains d’huîtres, l’activité est rapidement passée d’une époque pionnière à une filière professionnalisée qui compte aujourd’hui environ 400 fermes réparties sur une trentaine d’îles.
Cette croissance rapide de l’activité, la grande diversité d’acteurs et l’éclatement des sites de production ont limité les possibilités d’organisation de la filière. Or cette désorganisation nuit à la bonne gestion de la ressource et à la structuration de l’offre. Mettre en place une gouvernance efficace était devenu un enjeu majeur de durabilité. Il s’agissait à la fois de fédérer les professionnels dans un processus participatif gagnant/gagnant et de permettre à l’action publique de répondre plus précisément aux nécessités d’encadrement des activités.
C’est donc en partie pour répondre à ce besoin qu’a été adoptée en juillet 2017 une nouvelle loi pour rénover le cadre réglementaire du secteur. Ce nouveau dispositif prévoit notamment la création de deux nouveaux outils de gouvernance : le conseil de la perliculture, qui a une dimension globale, à l’échelle de la filière, et les comités de gestion décentralisés, qui ont une dimension locale, à l’échelle d’un lagon.
Le conseil de la perliculture : une dimension filière
Le rôle du Conseil est stratégique.
Il formule un avis sur les politiques publiques menées dans le secteur, notamment en ce qui concerne la production et la qualité des produits perliers, la commercialisation et la promotion de ces produits, les actions de recherche et de développement ainsi que de manière plus spécifique, sur l’utilisation des recettes collectées dans le cadre de la taxation des produits (droit spécifique sur les perles exportées, DSPE).
Le Conseil est obligatoirement consulté pour toute modification de la réglementation liée au secteur et c’est lui qui propose le quota global de production de perles.
Compte tenu du rôle essentiel que le conseil est amené à jouer dans le dialogue entre les parties prenantes, l’enjeu était de s’assurer de la représentativité de l’ensemble de la filière. Sa composition reflète donc à la fois la diversité des acteurs concernés, publics et privés, tout en garantissant la plus grande participation possible des producteurs, acteurs centraux de la filière.
Composition :
Il est donc composé d’une part des représentants des principales administrations concernées (Direction des Ressources Marines, Service de l’artisanat traditionnel, Circonscription des îles Tuamotu et Gambier, Direction régionale des Douanes – Polynésie française et Délégation Polynésienne aux Investissements).
Par ailleurs, afin que ces recommandations soient directement prises en compte par les pouvoirs publics, un représentant de l’Assemblée de Polynésie française en fait également partie et le Conseil est directement présidé par le Ministre en charge du secteur. Côté privé, au minimum sept représentants des différentes activités du secteur sont membres de droit (quatre représentants des producteurs de produits perliers, un représentant des producteurs d’huîtres perlières, un représentant des négociants et un représentant des détaillants).
A ces sept membres s’ajoutent les présidents des comités de gestion décentralisés, assurant ainsi l’opportunité de faire entendre les voix de chaque lagon perlicole au plus haut niveau.
Les comités de gestion décentralisés : une dimension locale
Le rôle des comités de gestion décentralisés est d’organiser la filière à l’échelle d’une île.
En complémentarité du rôle du conseil qui débat des orientations générales, les comités de gestion décentralisés ont le rôle d’organiser la filière à l’échelle d’une île. A ce titre, ils sont notamment amenés à proposer les règles d’utilisation du lagon (définition de la surface maximale autorisée et du zonage des activités perlicoles).
Rôle des comités de gestion
- Informer
Tenir informé le service en charge de la perliculture de toute perturbation de l’écosystème.
- Aménager
Proposer des règles d’utilisation du lagon (zonage des activités perlicoles, plafond de gestion de l’île).
- Proposer
Contribuer à identifier des solutions de gestion des déchets issus des activités de la perliculture.
- Préserver
Contribuer à l’élaboration d’une stratégie globale sur les transferts d’huîtres perlières.
- Sensibiliser
Soutenir la promotion d’actions de sensibilisation aux bonnes pratiques perlicoles.
- Contribuer
Donner son avis sur les actions publiques envisagées en matière de perliculture sur la zone concernée.
Fonctionnement
Les membres du comité se réunissent au moins une fois par an sur convocation du président avec un ordre du jour bien défini et autant de fois que la nécessité l’impose. Le comité peut aussi être saisi pour avis par le ministre en charge de la perliculture sur les actions publiques envisagées en matière de perliculture sur la zone concernée.
Rôle du président
- Secrétariat
Compte-rendu.
- Signature
Cosigne l’avis rendu avec l’un des membres présents à la réunion.
- Réponse
Informe et répond au comité de gestion.
- Suivi
Fait suivre l’ensemble des travaux dans les 30 jours.
Chaque président de comité de gestion siège d’office au Conseil de la perliculture. Ce lieu d’échange est l’opportunité d’exposer leurs positions sur les problématiques de l’ensemble de la filière. Cette disposition de la loi du Pays permet également d’accroître la représentativité des professionnels qui ne sont pas membres des groupements ou syndicats désignés pour siéger au conseil de la perliculture.
Les notions de gestion perlicole à connaître
Zonage perlicole
Il permet de créer des zones délimitées réservées exclusivement soit au collectage soit à l’élevage d’huîtres perlières et à la production de produits perliers. Il permet de préserver dans un lagon donné des zones favorables au réensemencement des huîtres perlières ou réservées à d’autres activités lagonaires (sans préjudice des plans de gestion, zones de pêche réglementées, ou zones classées existantes).
Plafond de gestion
Le comité peut rendre un avis sur la détermination du plafond de gestion. Il s’agit d’un plafond d’autorisation de superficie du domaine public maritime utilisé à des fins d’exploitation perlicole, limité en deçà du plafond écologique fixé par l’autorité compétente. Le constat d’une surproduction ou le choix d’appliquer un principe de précaution au vu d’un état de santé général du lagon jugé préoccupant, peuvent motiver l’avis de réduire le plafond de gestion pour une période donnée.
Plafond écologique
C’est la superficie totale maximale du domaine public maritime qui peut être octroyée pour les activités perlicoles (élevage, greffe, collectage) au sein d’un même lagon. Ce plafond tient compte de la taille du lagon, de sa bathymétrie, de son hydrodynamisme et notamment de la présence de passes et de l’état de santé général de son écosystème. Si le plafond écologique est dépassé, aucune nouvelle surface ou station de collectage ne peut être accordée pour une nouvelle demande ou une extension, mais le renouvellement des autorisations existantes est autorisé. Par dérogation et en application du principe de précaution, l’attribution de toute autorisation d’occupation du domaine public maritime pour une nouvelle demande, une extension ou un renouvellement peut être suspendue sur décision prise en conseil des ministres.