En Polynésie française, la pisciculture a débuté dans les années 80 avec des essais sur plusieurs espèces introduites pour leur fort potentiel en aquaculture. Le choix s’est porté sur le « Loup tropical » (Lates calcarifer), une espèce originaire du sud-est asiatique. Plus tard, à l’initiative de fermiers, le Tilapia doré « Sunfish » (Orechromis sp.) est également introduit et produit dans certaines fermes.
L’échec relatif (sur le plan économique mais non technique) de la pisciculture du loup tropical a orienté le service de la Pêche sur des essais de grossissement d’espèces locales dans le milieu des années 90.
Il s’agissait alors de poissons issus de captures de juvéniles dans le milieu naturel (carangues « Pa’aihere », picots « Marava » et « Pa’auara » essentiellement), dont la réussite est soumise aux aléas des installations d’alevins dans les zones sensibles de récifs frangeants , lieu où les quantités de juvéniles ont déjà subi une forte prédation lors du passage de la crête récifale (colonisation larvaire du lagon).
Pour ces raisons, un programme de développement visant la production de juvéniles en écloserie est réalisé depuis 2001 sur 2 espèces sélectionnées pour leur potentiel technique et économique : le « Moi » ou tarpon des sables (Polydactylus sexfilis) et le « Paraha peue » ou poisson-lune (Platax orbicularis).
La maîtrise de la technologie
1983-1994 : Programme Pisciculture IFREMER-COP.
Phase de sélection des espèces et de maîtrise de l’élevage : l’espèce introduite Lates calcarifer ou « Loup tropical », est retenue et maîtrisée.
1990-2003 : Programme Lates IFREMER-COP-EVAAM , programme de recherche en développement concernant l’élevage du Loup tropical.
- 1993 : Maîtrise zootechnique de l’élevage de Loup tropical, malgré la présence du nodavirus sur cette espèce.
- 1994 : Transfert de technologie de l’IFREMER au secteur privé, avec la ferme AQUAPAC (puis à d’autres porteurs de projets mais n’ayant pas abouti).
1994 : Le « Sunfish » (Orechromis sp.), espèce introduite, est produite sur l’initiative de certaines fermes.
La pisciculture de type familial
1994-2004 : Programme Pisciculture du SPE , dans le cadre du CD1.
- 1994-1999 : Programme pisciculture de type familial :
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- Tests de grossissement d’alevins d’espèces lagonaires, issus de collectes de juvéniles dans le milieu naturel (carangues « Pa’aihere », picots « Marava ») par la ferme de Papeari (EVAAM et privés).
- Assistance technique du SPE aux fermes artisanales et fourniture d’alevins par l’Ecloserie Polyvalente Territoriale (EPT : Loup tropical) et les écloseries privées (Loup tropical et Sunfish).
- 2000 : Échec du programme de pisciculture de type familial. La petite dizaine de porteurs de projet n’a pas survécu pour diverses raisons :
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- Un marché local limité : Loup tropical et Sunfish, 2 espèces introduites pour leur facilité d’élevage mais peu prisées sur le marché local.
- Une production faible et peu régulière (toutes espèces confondues).
- Un coût de production élevé : 800 à 1200 F.CFP/kg de poisson portion d’élevage, contre 200 à 600 F.CFP/ filoche de 3 à 4 kg de poissons lagonaires en provenance des îles.
- Une production d’alevins en écloserie pas suffisamment régulière.
- Un manque d’accès à la ressource pour les élevages de poissons lagonaires issus de collectes de juvéniles (disponibilité saisonnière des juvéniles, production faible et non durable).
Démarrage de la pisciculture d’espèces lagonaires
2000-2003 : Programme Pisciculture d’espèces lagonaires du SPE , à l’IFREMER de Vairao dans le cadre du CD2.
- 2001 :
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- Pré-sélection biologique, technique et économique de 5 nouvelles espèces présentes dans les eaux polynésiennes et candidates pour l’aquaculture : Pa’aihere (ou carangue), Paraha peue (ou poisson lune), Moi (ou Tarpon des sables), Mérou, et Chanos.
- Les 1ers essais zootechniques aboutissent à la sélection de ces 3 espèces : Le Moi, le Paraha peue, le Pa’aihere manini (ou carangue d’or).
- La 1ère année, les travaux portent essentiellement sur le Moi, avec le lancement d’essais de reproduction et d’élevage, ayant donné des résultats très encourageants (production d’alevins).
- 2002 :
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- Étude commerciale menée sur les poissons d’aquaculture : un marché local du poisson de qualité aquacole (poisson calibré, garanti non ciguatoxique et fourni de façon régulière à moins de 1000 F.CFP/kg), estimé à 100 T/an, soit un chiffre d’affaires estimé à environ 100 à 120 millions de F.CFP/an et 15 emplois.
- Les travaux concernant l’élevage du Pa’aihere manini sont suspendus pour manque de moyens et de personnel.
- 2003 : Initiation des essais sur le Paraha peue : apport de géniteurs en provenance de Bora Bora.
2004-2006 : Programme Pisciculture d’espèces lagonaires du SPE , à l’IFREMER de Vairao en collaboration avec Ifremer.
- Nouvelles bases technico-économiques 2006 relativement bien avancées à la suite du programme pisciculture du CD2, sur les 2 espèces sélectionnées (Moi et Paraha peue). La production de juvéniles et de poissons de taille commerciale est faisable mais non encore suffisamment fiable.
- Collaborations SPE-COP :
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- Rentabiliser l’élevage du Moi (pas de fiabilité de la technique malgré des échanges avec Hawaï).
- Réalisation d’un 1er manuel d’élevage de Moi en cages transférable aux privés et d’une 1ère étude technico-économique.
- Diagnostiques des maladies présentes sur les 2 espèces sélectionnées : présence du Nodavirus.
- Mise au point d’une méthode de détection du Nodavirus par méthode de biologie moléculaire.
- Bio-sécurisation de l’écloserie expérimentale (sélection de géniteurs sains, traitement de l’eau, procédures de protection sanitaire) indemne de Nodavirus et pouvant produire des alevins sains exempt de Nodavirus.
- Poursuite des essais zootechniques sur le Moi et le Paraha peue.
2006-2010 : Programme Pisciculture d’espèces lagonaires du SPE , réalisé en partie à l’IFREMER de Vairao avec focalisation sur le Paraha peue, seule espèce retenue pour des raisons technico-économiques pour un transfert à court terme.
- Programme de maîtrise zootechnique à l’échelle expérimentale en écloserie réalisé fin 2008 (Fiabilisation des étapes larvaires, sevrages et nurseries).
- Programme de maîtrise zootechnique à l’échelle expérimentale en élevage en cages en cours.
- Amélioration très significative des performances des géniteurs.
- Développement de la prévention zoo-sanitaire des cheptels, du suivi zoo-sanitaire (traitements préventif et curatif) des élevages, et mise au point de fiches techniques des pathologies observées
- Développement des techniques de détection du Nodavirus (programme inter-COM).
- Essai d’élevages en cages à l’échelle pilote suivi en collaboration avec des privés.
- Mise au point des techniques de récolte-abattage-conditionnement, voire transformation du produit Paraha peue à la vente (2010-2011).
- Discussions avec les professionnels et autres parties prenantes
- Mesures réglementaires (agrément aquaculteurs), économiques (prix des alevins) et sanitaires (protection vis-à-vis des risques liés aux importations)
- Poursuite de la construction et de la mise en place des écloseries de VAIA
- Développement d’une assistance zootechnique et zoo-sanitaire
Malgré un certain potentiel, la pisciculture polynésienne reste toujours trop artisanale et peu productive. En 2004, la production a chuté d’un facteur 6 pour passer de 14,9 tonnes en 2006, à 2,5 tonnes en 2007 et moins de 1 tonne en 2009.
Les fermes aquacoles
- 1 ferme en activité sur l’élevage de Loup tropical et de Sunfish en bassins terre et disposant d’une écloserie pas encore biosécurisée
- 2 fermes en attente de reprise d’activité, jusqu’à présent basées sur l’élevage en cages de Pa’aihere, Marava,… en cage, à partir de juvéniles issus de collectes dans le milieu naturel.
- Production variable de quelques centaines de kg à 10 tonnes/an.
- 1 ferme en reprise d’activité, sur son deuxième site, à Tautira, où des essais à l’échelle pilote sont menés sur le Paraha peue, à partir d’alevins issus de l’écloserie expérimentale SPE-COP.
- Capacité de production des fermes estimée très supérieure à 50 tonnes/an.
Le marché
- Un marché local de poissons de chair de qualité aquacole estimé en 2002 à 100 tonnes/an.
- Une production locale qui n’a jamais dépassé 25 tonnes/an.
- Un marché local orienté vers une espèce locale « rares », telle que le Paraha peue, espèce à forte notoriété auprès des populations polynésiennes, notamment au sein de la communauté chinoise.
- Un potentiel de production locale de 100 tonnes/an atteignable en 5 ans, soit un chiffre d’affaires estimé à plus de 100 millions de F.CFP/an, pour 15 emplois directs.
L’aspect zootechnique
Loup tropical et Sunfish : Techniques d’élevage maîtrisées.
Techniques d’élevage artisanales de poissons lagonaires issus de juvéniles collectés dans le milieu naturel : Non durable, sauf à une échelle vivrière restreinte.
Moi : Travaux en suspens, mais les résultats obtenus confirment la faisabilité technique de l’élevage de cette espèce :
- Points forts :
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- Maîtrise partielle des différentes étapes d’élevage.
- Bonnes performances de croissance : 8 mois d’élevage depuis l’œuf pour obtenir un poisson de 350g.
- Points faibles :
- Espèce sensible au Nodavirus et aux manipulations.
- Production limitée à des tailles portion (350-400g) car la croissance ralentit ensuite.
- Espèce hermaphrodite protandre : géniteurs mâles à renouveler très fréquemment.
- Points à réaliser si l’espèce était à nouveau sélectionnée (pas avant 2012) :
- Acquisition de géniteurs exempts de Nodavirus.
- Maîtrise complète des différentes étapes d’élevage.
- Optimisation des coûts de production.
- Confirmation du potentiel et de l’intérêt comme 2ème espèce (diversification à moyen terme)
- Paraha peue : Techniques d’élevage en cours d’acquisition finale ou de consolidation.
- Points forts :
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- Écloserie expérimentale biosécurisée exempte de pathogènes, les alevins produits sont sains de Nodavirus.
- Une méthode de production d’alevins de Paraha peue, fiable et reproductible à l’échelle expérimentale, avec en 2007 une augmentation importante de la survie (de 10 à 35%) dans la phase d’élevage larvaire, une augmentation des densités dans la phase de sevrage nurserie (x3) où les résultats de survie supérieurs à 90% sont consolidés.
- Fermeture pour la première fois du cycle biologique de Platax orbicularis en captivité, avec la production d’animaux de 2ème génération (F2) à partir de premières pontes obtenues de poissons issus d’élevage de 1ère génération (F1 nés en 2004).
- Augmentation importante (plus du double) de la productivité des géniteurs sauvages, avec une production d’environ 2 millions d’œufs par kg de femelles par an, et possibilité si besoin d’induire les pontes par une méthode douce sans utilisation d’hormones.
- De bonnes croissances enregistrées en 2008 et 2009 (animaux de 500g au bout de 6 mois d’élevage, animaux de 1kg obtenus au bout de 11 mois en cages), avec une table d’alimentation, mais des éléments à perfectionner (qualité aliment, lutte contre le parasitisme, définition des charges en élevage) dans la phase de grossissement en cage.
- Transfert des techniques au secteur privé, horizon 2010-2011.
- Points faibles :
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- Espèce sensible au Nodavirus et aux ecto-parasites, toutefois maîtrisés,
- Conditionnement, transport et mise en cages des alevins non encore bien maîtrisés, à améliorer,
- Points à réaliser :
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- Consolidation des techniques d’écloserie (réalisée fin 2008) pour un transfert au Centre Technique Aquacole (2010-2011).
- Mise au point des techniques de conditionnement, transport et mise en cages des alevins.
- Optimisation des techniques de production en cage.
- Essais d’élevages en cages sur d’autres sites (depuis mi-2010).
- Transfert des techniques d’élevage en cages au secteur privé (fin 2011).
Objectifs
Le programme de développement d’une nouvelle filière piscicole marine est parti de constats observés sur la filière loup tropical (première espèce marine maîtrisée en Polynésie française, issue d’importations) et sur les résultats des premiers essais de développement d’une filière de pisciculture familiale : il en est ressorti qu’il fallait absolument bien maîtrisé l’accès à la ressource, et donc cibler une espèce locale à fort potentiel zootechnique et économique.
Le programme a été renforcé par le développement d’une collaboration fructueuse avec l’Ifremer. Par ailleurs, notre stratégie a été consolidée à l’issue des résultats de l’atelier « Pisciculture marine en Asie-Pacifique » réalisé à Nouméa en 2007, et qui a conduit à l’élaboration d’une stratégie régionale de développement de la pisciculture marine dans les îles du Pacifique.
L’objectif piscicole polynésien à court terme est donc d’obtenir une filière piscicole développée, rentable et durable, capable de satisfaire le marché local de poissons de chair de qualité (sans ciguatera, sans phénomène de « maee » ou durcissement à la cuisson, avec un aliment sans OGM, sans farines animales terrestres, sans hormones, etc…) dont les deux grands axes sont les suivants :
Mise en place des conditions de développement à court terme (2 à 3 ans) d’une filière piscicole polynésienne basée sur le Paraha peue.
Réalisation d’un transfert durable des techniques vers l’écloserie de production du Pays (dès le 2ème semestre 2010)et vers le secteur privé (2ème semestre 2011).