L’aquaculture

La production de crevettes en crise en début d’année.

En 2023, la production de crevettes bleues (Litopenaeus stylirostris) atteint 86 tonnes, soit une diminution de 43% par rapport à 2022. Effectivement, la production de crevettes en écloserie connaît une crise importante avec des livraisons de post-larves correspondantes à seulement 49% et 0% des commandes sur les cycles 1 et 2 de l’année respectivement. Après d’important travaux concertés avec les différents acteurs de la filière, la situation normale est rétablie au cycle 3 avec plus de 100% des commandes honorées et l’ajout d’un cycle supplémentaire durant l’année pour rattraper le cycle 2 non produit. L’écloserie VAIA de Vairao livre ainsi 15 635 500 post-larves sur les fermes en 2023, soit une baisse de 29,5% par rapport à 2022. Aucun agent pathogène, ni aucune maladie n’est impliquée dans cette crise ; la qualité de l’eau d’élevage et des aliments fournis aux géniteurs sont identifiés comme étant les causes principales des problèmes d’écloserie rencontrés.

Le rendement moyen en crevettes en 2023 est de 4,8 tonnes par million de post-larves[1], ce qui représente une baisse de 2,42 tonnes (-20,2%) par rapport à 2022. Ce rendement reste bien en dessous de l’objectif de 10 tonnes par million de post-larves atteint en 2017, reflétant une importante baisse des performances globales des fermes. En effet, la survie moyenne[2] des post-larves est estimée à 23,8% (soit -12,3% de survie par rapport à 2022), loin de l’objectif fixé à 60 % pour l’ensemble de la filière. Il y a donc la nécessité d’améliorer la gestion de la survie des post-larves sur les fermes.

[1] tonnage de crevettes vendues en 2022 divisé par le nombre de post-larves mises en élevage pour la production des crevettes vendues en 2022 ; soit les post-larves des cycles 2022-04, 2022-05, 2023-01, 2023-02 et 2023-03

[2] rapport entre le nombre total estimé de crevettes de 20g vendues et le nombre total de post-larves initialement livrées et mises en élevage

86  tonnes produites dont 300 kg en cage lagonaire
200,2 M F.CFP de chiffre d’affaires

30 emplois directs à temps plein

La production de crevettes en cage lagonaire n’atteint pas ses objectifs

La production de crevettes en cages lagonaires diminue de 90% et n’atteint que 0,3 tonnes sur l’objectif de dix tonnes (significatif pour la Polynésie française et pour une très petite ferme). Cet objectif n’a pu être atteint en raison de défaillances matérielles, d’évènements météorologiques exceptionnels et de vols à répétition.

Pour les crevettes élevées en cage, la survie moyenne est de seulement 1,4%, un chiffre bien inférieur à l’objectif de 50% atteint lors du transfert de technologie. Cette faible performance s’explique par les raisons évoquées précédemment. Malgré les difficultés rencontrées par le producteur de crevettes en cage, de nouveaux projets émergent en 2024. Parmi eux, un projet pilote de crevettes en cage sera lancé dans la commune de Hitia’a, en partenariat avec la DRM dans le cadre d’une convention d’assistance technique, ainsi que la réouverture d’une ferme sur l’île de Tahaa. Les résultats zootechniques obtenus et la qualité des crevettes produites démontrent l’intérêt et le fort potentiel de cette filière.

La baisse du chiffre d’affaires contenue grâce au prix au kilogramme

Avec un volume produit en recul de 43%, le chiffre d’affaire global (hors écloserie) déclaré de la filière est de 200,2 millions de F.CFP (soit -43% par rapport à 2022) avec une hausse du prix au kilo de 9,8%, le kilo de crevette atteignant 2 328 F.CFP départ ferme (contre 2 120 F.CFP/kg en 2022). La filière représente 24 emplois à temps plein hors écloseries et 30 emplois à temps plein comprenant l’écloserie.

La production globale devrait revenir à des normes d’au moins 150 tonnes en avec une augmentation progressive attendue avant le démarrage des activités de la zone Aruhotu-Biomarine à Faratea, prévu pour début 2027. Parallèlement, le développement et la consolidation de petites fermes d’élevages lagonaires en cages devraient permettre d’établir durablement ce mode de production innovant basé sur des produits de qualité et de proximité, en particulier dans les îles. La filière doit aussi se consacrer à l’amélioration des performances d’utilisation de post-larves issues de l’Écloserie de Production de Vaia (EPV) ainsi qu’à la transformation et à la valorisation de ses co-produits et déchets.

Figure 1 – Évolution de la production aquacole de crustacés

La pisciculture polynésienne

L’élevage de Paraha peue est stable et peine à décoller

15  tonnes produites

5 emplois

En 2023, la production de la filière d’élevage de Paraha peue (Platax orbicularis) reste quasi inchangée avec 11,2 tonnes commercialisées (11,1 tonnes en 2022) avec une seule ferme en activité. Le prix de vente moyen est de 2 300 F.CFP/kg, pour un poids moyen de commercialisation d’environ 500 grammes.

Défis liés à la Ténacibaculose et mortalités en cage

La Ténacibaculose, une maladie bactérienne causée par Tenacibaculum maritimum, demeure l’une des principales causes de mortalité en cage. Elle peut entraîner des pertes significatives, atteignant 50 à 70% pendant une période de 1 à 2 mois après la mise en cage, notamment pour des animaux pesant moins de 60 grammes. À ces problèmes de mortalité s’ajoutent des vols importants, estimés jusqu’à 20% sur certains cycles, ainsi qu’une prédation naturelle. La survie moyenne annuelle atteint 63,6%, se rapprochant de l’objectif fixé à 80%.

Les travaux conduits par la DRM, en collaboration avec ses partenaires scientifiques (Ifremer et CRIOBE) et techniques (CAPF), ont permis de proposer des solutions zootechniques garantissant des taux de survie supérieurs à 60% en cage. Cependant, ces avancées n’ont pas suffi en 2023 à répondre aux besoins en alevins de la ferme. Des travaux de recherche et développement sont en cours pour améliorer ces solutions en développant des procédés plus efficaces et économiques.

Emplois et objectifs de production

La filière représente 2 emplois à temps plein sur la ferme de grossissement et 3 emplois à temps plein à l’écloserie VAIA.

Pour atteindre à nouveau une production annuelle supérieure à 20 tonnes, plusieurs leviers sont identifiés : une régularité dans l’approvisionnement en alevins (4 livraisons de 10 000 alevins par an), une augmentation de 10% des taux de survie en cage et une hausse du poids moyen de commercialisation, ciblé à 700 g.

Les travaux de recherche et développement menés par la DRM et ses partenaires ouvrent également la voie à une diversification piscicole à moyen terme, notamment avec l’élevage du Chanos chanos (patii ou ava), grâce à la maîtrise de la pêche et de l’approvisionnement en juvéniles sauvages.

Le Barramundi dans nos assiettes

Outre le Paraha peue, le Barramundi ou Loup tropical (Lates calcarifer) fait également son retour dans nos assiettes. En 2023, la production a atteint 3,8 tonnes, témoignant d’un regain d’intérêt pour cette espèce. Actuellement, une seule ferme aquacole située sur Tahiti est dédiée à son élevage, soulignant un savoir-faire local spécifique et une production prometteuse.

Des fermes polynésiennes écoresponsables

Toutes les fermes polynésiennes aquacoles de production de crevettes et de poissons sont écoresponsables dans la mesure où elles n’utilisent aucun produit chimique ni médicamenteux dans les élevages, depuis l’arrivée des juvéniles issus d’écloserie et cela jusqu’à l’assiette du consommateur.

Figure 2 – Évolution de la production aquacole de poissons

Production pour le marché de l’aquariophilie

Bénitiers vivants : une gestion durable de la filière

Certains atolls polynésiens des Tuamotu de l’Est présentent des abondances et des densités de Tridacna maxima parmi les plus importantes au monde.

Tridacna maxima et Tridacna squamosa (espèce de pente externe, rare) sont protégées par la convention internationale de Washington ou CITES qui régule la commercialisation sur le marché international des espèces en danger à travers la délivrance de « permis CITES ». Ce permis atteste d’une traçabilité prouvant un commerce non préjudiciable.

Depuis 2014, dans le cadre d’une exploitation durable et raisonnée, validée par l’autorité scientifique de la CITES et un groupe d’examen scientifique l’Union Européenne (SRG), les stocks de bénitiers, couplés aux techniques aquacoles (collectage de naissain), permettent une exportation de bénitiers sauvages et de collectage.

L’organe de gestion de la CITES en Polynésie française est constitué de la Direction de la Réglementation et des Affaires Juridiques (DIRAJ), un service du Haut-Commissariat. La Direction de l’Environnement (DIREN) et la Direction des Ressources Marines (DRM) apportent leurs avis dans le cadre d’une stratégie visant une gestion durable des ressources, régulièrement mise à jour.

En 2018, l’évolution des conditions d’exportation de bénitiers sauvages et de collectage a été approuvée avec succès auprès des autorités nationales de la CITES dans le cadre d’un nouveau système de gestion durable.

Afin d’améliorer le système relatif aux permis CITES, un site internet de traçabilité est en cours de construction, grâce à une collaboration entre la DRM et la Communauté du Pacifique (CPS). Cet outil permettra de simplifier les démarches administratives pour les demandes de permis CITES. Il permettra aux exportateurs de justifier d’une traçabilité pour viser le marché international des bénitiers vivants et/ou de la chair de bénitiers.

Une reprise de l’activité difficile mais qui reste compétitive sur le marché mondial

En 2016 et 2017, les lagons de Tatakoto et Reao subissent des températures extrêmes conduisant à un blanchissement et à des mortalités importantes de bénitiers. La filière a été ensuite impactée, en 2020, par la pandémie de la COVID-19, avec l’annulation de nombreux vols intérieurs et internationaux. La reprise a ensuite été impacté par l’augmentation générale des coûts.

Malgré le coût du fret inter-îles très supérieur au fret international, cette activité exportatrice depuis les atolls des Tuamotu les plus éloignés de Tahiti reste compétitive sur un marché mondial de niche d’environ 100 000 bénitiers/an pour T. maxima. La Polynésie française reste un des acteurs majeurs.

Avec l’ouverture d’une écloserie et le développement potentiel de nouveaux acteurs de collectage (plusieurs autres atolls des Tuamotu de l’Est ayant un fort potentiel), l’activité devrait se diversifier vers la production, la transformation et la valorisation de la chair de bénitiers si elle veut perdurer. 

En 2023, 109 permis CITES ont été délivrés pour un quota de prélèvement demandé à l’exportation de 34 000 bénitiers vivants. Environ un tiers de ce quota a été utilisé.

Le marché de niche du bénitier d’aquariophilie est sensible, une augmentation des productions via le collectage et l’écloserie doivent permettre d’atteindre les objectifs de plus de 20 000 bénitiers exportés par an avec un prix de vente au moins équivalent.

Enfin, le développement d’une filière aquacole de bénitier de chair est à l’étude. Des essais en recherche et développement sont nécessaires pour évaluer la faisabilité technique, environnementale, sociale et économique d’une telle filière. 

Poissons d’ornement : une filière qui a mis du temps à se développer

La filière d’exportation de poissons vivants (individus sub-adultes sauvages) existe en Polynésie française depuis plus de 20 ans. Entre 2002 et 2004, une tentative de production éco-responsable, appelée PCC (Post-larvae Capture and Culture), reposant sur la collecte et l’élevage de post-larves de poissons, a été abandonnée en raison de sa faible rentabilité.

En effet, hors de certains « hot spots », les filets de crête et filets de « hoa », conçus pour piéger les larves et post-larves récifales, ne capturent que 10 % d’individus présentant un intérêt économique. Bien que l’élevage de poissons corallivores avec des granulés soit techniquement possible, les coûts élevés de production ne sont pas compensés par les revenus tirés de l’exportation.

Après la crise économique de 2008, les exportations ont stagné jusqu’en 2013. Depuis, le secteur a connu une forte croissance, notamment avec l’arrivée d’un deuxième opérateur sur le marché de l’aquariophilie.

Pour assurer la durabilité de cette filière, il est essentiel d’améliorer la connaissance, le suivi et la régulation des espèces exportées.

Des exportations pour l’aquariophilie

54 300  animaux vivants exportés en moyenne

Principal marché : États-Unis

Les bénitiers et poissons destinés à l’aquariophilie sont exportés vivants vers les marchés internationaux. Entre 2019 et 2023, une moyenne annuelle de 54 347 animaux a été expédiée à l’étranger.

En 2023, le principal marché est l’Amérique, qui représente 70 % des exportations, suivie de l’Asie (Hong Kong, Taïwan, Singapour, Sri Lanka et Chine) avec 18 %. L’Europe (France, Pays-Bas, Grande-Bretagne et Suisse) et d’autres pays totalisent les 12 % restants.