LE THON
Les thons sont des poissons pélagiques hauturiers migrateurs qui ont une distribution mondiale en zone tempérée et tropicale. Ils appartiennent à la famille des Scombridae, qui regroupe 49 espèces.
Le terme thon désigne plusieurs espèces de poissons océaniques appartenant au groupe des Thunnini. Au sein de ce groupe, on distingue 14 espèces, réparties dans 4 genres : Auxis, Katsuwonus, Euthynnus et Thunnus.
Parmi ces 14 espèces, 7 d’entre elles sont d’une importance commerciale majeure : le thon Listao, le thon à nageoires jaunes, le thon obèse, le thon germon, le thon rouge de l’Atlantique, le thon rouge du Pacifique et le thon rouge du Sud.
Présentes dans les trois océans (à l’exception du thon rouge de l’Atlantique et du thon rouge du Pacifique), ces espèces ont pour caractéristiques d’être hautement migratrices, grégaires et prédatrices.
Le thon fait partie des produits de la mer les plus populaires au niveau mondial. La consommation mondiale de thons est estimée à 0,45 kg par an et par personne, soit 2,2% de la consommation mondiale de poissons.
La quantité moyenne de poissons consommée en Polynésie française est de 54 kg par an et par personne comparée à une moyenne mondiale à 16 kg par an et par personne. La consommation de thon a été évaluée à 15 kg par an et par personne, soit 27% de la consommation annuelle.
Les ressources thonières sont l’objet d’un marché international de haute valeur. Pour la seule année 2019, le volume total des captures des principales espèces thonières commerciales débarquées dans l’océan pacifique s’élève à 3,6 millions de tonnes.
Les principaux engins de pêche utilisés pour capturer les thons au niveau mondial sont les suivants : la senne, la palangre, la canne et les filets maillants. En Polynésie française, la règlementation de la pêche interdit la pêche à la senne et l’utilisation des filets maillants dérivants.
Les ressources hauturières sont encore peu exploitées dans la zone économique exclusive (ZEE) polynésienne alors qu’elles subissent des pressions croissantes dans le reste de l’océan Pacifique. Les captures de la Polynésie française ne représentent qu’une faible part des captures de l’océan Pacifique (0,2 % des captures totales de thons de cet océan et 3,1% des captures de thon germon, 0,4 % des captures de thon obèse et 0,1 % des captures de thon à nageoires jaunes).
La pêche hauturière polynésienne cible essentiellement les thons tropicaux (thon germon, thon obèse et thon à nageoires jaunes) dont les stocks se répartissent à l’échelle de tout le bassin Pacifique. La production de la pêche hauturière est dominée par le thon germon (ou thon blanc) qui représente un peu plus de 50% des débarquements. Les autres espèces principales sont le thon à nageoires jaunes et le thon obèse (environ 35% des débarquements). En 2019, nous observons une chute des captures de thon obèse comparé à l’année 2018 (passage de 1 047 tonnes à 934 tonnes). Le record de production de la pêche hauturière a été enregistré en 2001 avec environ 7 300 tonnes débarquées. Ce record reste sensiblement inférieur au potentiel exploitable de façon durable estimé à 14 000 tonnes.
Depuis cinq ans, la production est restée relativement stable autour de 6 000 tonnes par an, représentant une valeur estimée à la première vente proche de 3 milliards de F CFP.
La pêche hauturière telle qu’elle est pratiquée en Polynésie française n’a pas d’impact significatif sur le milieu physique. Elle peut en revanche avoir des impacts sur d’autres espèces non ciblées en capturant accidentellement des requins, des tortues ou des oiseaux de mer.
La pêche hauturière est identifiée comme un des 3 axes majeurs de développement de l’économie polynésienne, après le tourisme et la perliculture. La valorisation durable des ressources propres fait partie des grandes orientations stratégiques du Pays.
Le développement de la pêche hauturière, la pêche au large, est identifié comme un enjeu important pour la création durable de richesse et d’emplois, et la sécurité alimentaire de la population.
Le potentiel de développement est néanmoins bien réel mais il doit être précautionneusement proportionné afin de rester dans une exploitation durable tant écologiquement, qu’économiquement et socialement.
La ZEE de Polynésie française est avant tout une zone de passage des thons. Le développement des pêcheries demandera une plus grande capacité d’exploration de la flotte et une déconcentration des zones de pêche actuelles afin d’éviter des baisses potentielles de rendement découlant de phénomènes de surpêche localisée pour le germon (non encore constatés mais à surveiller par les statistiques de capture) mais surtout pour cibler les espèces dans leurs zones d’abondance qui fluctuent au cours des saisons. Les zones à développer se situent au Nord de la ZEE (thon obèse), dans l’Est de la ZEE (thon germon) ou dans ses parties australes (thon germon et espadon).
Outre l’intérêt de contribuer à l’économie du Pays, le recours en priorité aux chantiers locaux pour la construction des navires à entrer en flotte, permettra de les étaler dans le temps, et ainsi de favoriser une adaptation progressive de la filière polynésienne. Le recours aux chantiers étrangers devra être considéré avec prudence et en fonction de critères précis (indisponibilité des chantiers locaux, taille, matériau, stratégie de pêche…). Une montée progressive permettra également de vérifier que la ressource donne le potentiel attendu et que les marchés, à l’export notamment, se développent comme anticipé. La progressivité permettra également de ne pas reproduire les erreurs du passé avec l’arrivée massive en flotte de nouveaux navires sans préparation de la filière.
Enfin, il convient de considérer que ce développement va s’accompagner d’une forte pression sur le budget du Pays, à dispositif constant. Il sera nécessaire de reconsidérer de façon globale les aides fournies à la filière. En parallèle, le financement du Pays au dispositif de formation des marins est nécessaire pour que celui-ci réponde aux besoins actuels, qui ne feront que s’amplifier avec un programme de constructions neuves et le vieillissement des capitaines. Des investissements conséquents dans les infrastructures du port de pêche sont également nécessaires.
Avec une superficie de 4,8 millions de km2, la zone économique exclusive (ZEE) de la Polynésie française est le deuxième plus grand espace maritime de l’Océan Pacifique après l’Australie. C’est un atout en termes de ressources marines et de pêche mais également une grande responsabilité en termes de gestion.
L’enjeu est de trouver un équilibre durable entre le développement d’une économie bleue et une protection forte de l’environnement marin, en procédant notamment à une réduction des pressions exercées par certaines activités ou certains usages.
La pêcherie s’est dotée d’un cadre de gestion local, avec plusieurs réglementations sectorielles déjà en place ou à venir, et mises en cohérence dans le cadre du plan de gestion de l’aire marine gérée (AMG). Par ailleurs, au vu du caractère hautement migrateur des ressources thonières, un cadre régional et transfrontalier est également nécessaire : le cadre de gestion régional des commissions thonières.
Par arrêté du conseil des ministres n° 507 / CM du 3 avril 2018, la ZEE de la Polynésie française a été classée en aire marine gérée de catégorie VI du code de l’environnement (espace protégé, géré principalement à des fins d’utilisation durable des ressources et des écosystèmes naturels).
Le plan de gestion de l’aire marine gérée de Polynésie française, nommée aussi «Tainui Atea», a été formalisé par arrêté en date du 6 avril 2020. Il présente les enjeux, les objectifs et les mesures principales prises pour la bonne gestion de l’espace maritime polynésien.
Une grande partie des mesures de gestion, notamment réglementaires, sont antérieures à la mise en place de l’aire marine gérée, certaines ayant plus de 20 ans.
L’aire marine gérée «Tainui Atea» est construite sur le principe polynésien de l’appartenance de l’Homme à la nature et sur le lien étroit qu’entretiennent les peuples de la mer avec l’océan et l’environnement. Le message est également que les aires marines gérées ne sont qu’un outil de gestion parmi d’autres et que des mesures de protection fortes peuvent exister hors aire marine protégée (AMP).
Le parti pris par la Polynésie française est de promouvoir au niveau régional une approche de la préservation de l’environnement intégrant l’Homme et ses activités, axée à la fois sur la précaution et la prévision, dans un contexte de forte évolutivité du milieu marin face au changement climatique.
Une planification sur 3 années est proposée, pour obtenir un plan de travail fin et concret et pour pouvoir mieux évaluer et s’adapter.
Le plan d’action se décline en 4 grands enjeux. Le premier : “Une pêche durable minimisant l’impact environnemental” encadre la pêche hauturière et côtière afin d’assurer, notamment, la gestion de la ressource thonière en Polynésie française.
L’enjeu de conserver un espace maritime sans surpêche est primordial pour la Polynésie française et se traduit par 4 grands objectifs et 12 mesures.
De manière générale l’objectif est de maîtriser l’effort de pêche dans les zones les plus exploitées (zone Société et Nord Tuamotu), tout en favorisant l’élargissement du rayon d’action de la flotte hauturière dans d’autres zones (Marquises, Australes, Gambier, zones adjacentes de la ZEE).
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Le contrôle de l’effort de pêche est renforcé
MESURE 1
Réguler les entrées en flotte et garantir un accès équitable à la ressource.
Application d’un numerus clausus pour contrôler la taille et la cadence d’entrée en flotte et valider les critères d’évaluation des demandes de licence de pêche professionnelle.
MESURE 2
Mettre en place un zonage par archipel pour réserver des zones de pêche à la flotte côtière.
Définition d’un zonage qui pourra être propre à chaque archipel avec une priorité donnée aux îles qui n’ont pas de lagon ou dans lesquelles la population est nombreuse par rapport à la superficie du lagon.
MESURE 3
Améliorer les connaissances scientifiques sur les espèces ciblées et le potentiel de pêche dans un contexte de changement climatique.
La Polynésie française doit contribuer à l’évaluation des stocks exploités et à la collecte d’information sur la distribution de la ressource à l’échelle de l’Océan Pacifique.
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L’exploitation des zones distantes de la ZEE et des eaux internationales est soutenue
MESURE 4
Financer des campagnes exploratoires pour optimiser l’exploitation de la ZEE polynésienne par la flotte hauturière et côtière.
Des campagnes de pêche exploratoires sont nécessaires pour connaitre la distribution spatio-temporelle des stocks et sécuriser les développements de la flotte hauturière.
MESURE 5
Mettre en place un régime de sortie de la zone économique exclusive.
L’autorisation de pêcher en dehors de la ZEE n’est pas évoquée. Il convient de mettre en place une procédure nécessaire pour la délivrance des autorisations de sortie de la ZEE et leur déclaration aux organisations régionales des pêches.
MESURE 6
Défendre les intérêts de l’AMG au sein des organisations régionales des pêches.
La Polynésie française doit veiller à ce que ses aspirations et son modèle de pêche durable y soient reconnus et préservés. Cela doit passer par la participation active aux travaux des instances régionales et internationales et à la création de partenariats avec les autres Pays pour faire adopter les mesures de gestion adéquates.
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L’impact sur les espèces non ciblées et les écosystèmes marins est significativement limité
MESURE 7
Généraliser les tactiques de pêche et les outils limitant les interactions avec les espèces protégées.
Identifier et rendre obligatoire les pratiques qui permettent de minimiser les impacts potentiels de la pêche sur les espèces non ciblées et en particulier celles qui sont protégées.
MESURE 8
Pérenniser le programme d’observateurs embarqués pour évaluer les interactions liées aux activités de pêche.
Cela s’effectue à travers l’embarquement de personnel dédié et spécifiquement formé.
MESURE 9
Étudier l’utilisation de nouvelles technologies pour renforcer les observations en mer.
Des tests doivent être menés pour étudier l’installation de caméras embarquées et le traitement automatisé des images.
MESURE 10
Évaluer l’impact des DCP dérivants étrangers dans les eaux polynésiennes.
Quantifier l’amplitude du phénomène et les effets directs pour la Polynésie française, par la mise en place des programmes de suivi de la dérive et de l’échouement de ces dispositifs.
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La pêche polynésienne est reconnue éco responsable et pour la qualité de ses produits
MESURE 11
Pérenniser la démarche d’éco-certification MSC de la pêcherie hauturière.
La Polynésie française doit veiller à conserver la labellisation (éco-certification MSC) obtenue en 2018 pour le thon germon et le thon à nageoires jaunes et évaluer les possibilités d’extension à d’autres espèces.
MESURE 12
Certifier le port de pêche ISO 14 001.
L’objectif est d’asseoir l’excellence sanitaire et environnementale de l’activité de la pêche hauturière.
L’océan est aujourd’hui d’emblée un enjeu d’envergure internationale. Pour la Polynésie française, le classement de sa zone économique exclusive en aire marine gérée rassemble des enjeux économiques et écologiques pour le Pays mais surtout des enjeux géopolitiques.
L’objectif des commissions thonières est d’assurer, par une gestion efficace, la conservation à long terme et l’utilisation durable des stocks de poissons chevauchants et de grands migrateurs dans leur aire de compétence, conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 et à l’Accord des Nations unies sur les stocks de poissons de 1995.
Elles visent à résoudre notamment les problèmes de gestion des pêcheries en haute-mer résultant de la pêche non réglementée, de la surcapitalisation, de la capacité excessive de la flotte, du changement de pavillon des navires pour échapper aux contrôles, des engins insuffisamment sélectifs, des bases de données peu fiables et de la coopération multilatérale insuffisante en matière de conservation et de gestion des stocks de poissons grands migrateurs.
La WCPFC
La Western and Central Pacific Fisheries Commission (WCPFC), à laquelle la Polynésie française participe, a été créée par la Convention pour la conservation et la gestion des stocks de grands poissons migrateurs (notamment le thon) du Pacifique occidental et central, dite convention de Honolulu, entrée en vigueur en 2004.
L’IATTC
La Commission Interaméricaine du Thon Tropical (C.I.T.T.) est plus communément appelée par son acronyme anglais IATTC (inter-american tropical tuna commission). Créée initialement en 1949, elle possède actuellement 21 membres et est régie actuellement par la Convention d’Antigua, entrée en vigueur en 2010. La France est membre, en qualité de ses territoires dans le Pacifique, Clipperton et la Polynésie française.
La Polynésie française a la particularité de se situer dans la zone de chevauchement des deux organisations régionales de pêche ci-dessus.
Cette situation géographique particulière, avec 100% de sa ZEE dans la zone de compétence de la WCPFC et 80% dans celle de la C.I.T.T., oblige la Polynésie à respecter les mesures prises par les deux organisations, notamment en termes de transmission de données. Cependant, en termes d’application des règles de conservation et de gestion, elle a pu choisir de n’appliquer que les mesures de la WCPFC.
Source : Magazine Hotu Moana n°3