Les bénitiers, les joyaux colorés de Tubuai

Enfilez votre masque et plongez dans les eaux transparentes de Tubuai. Et si le lagon est bleu turquoise, vous y verrez aussi une nuance infinie de couleurs éclatantes aux teintes vertes, bleues, violettes ou encore jaunes, voire même roses, ce qui est spécifique à Tubuai…, ce sont des bénitiers. Ces mollusques bivalves sont adorés et recherchés par de nombreux pays dans le monde. C’est d’ailleurs pour cela qu’il existe un projet d’écloserie dans l’île.
« On parle beaucoup de la perle de Tahiti, mais il existe un autre joyau dans les eaux polynésiennes, ce sont les bénitiers. C’est un animal mystérieux et magique, chacun d’eux est unique et a une couleur de manteau et de nombreux motifs uniques », affirme avec enthousiasme Marc-André Lafille, responsable du programme aquacole à la Direction des ressources marines (DRM).
Ces bivalves colorés sont très prisés par les aquariophiles du monde entier ; la Polynésie française fait même partie du trio de tête des exportateurs de bénitiers vivants. « Les marchés américains ou encore européens sont demandeurs de nos bénitiers en raison de leur beauté remarquable liée à l’espèce et aux couleurs propres aux pāhua (nom local le plus répandu) polynésiens. On peut les retrouver dans les plus grands aquariums du monde, tout comme dans les salles d’attente de cabinets de médecins et de dentistes car ils aident à calmer les patients. Outre leur valeur culturelle et alimentaire en Polynésie, ils ont aussi une vraie valeur marchande, ce qui permet une activité économique intéressante. Ainsi, tout comme la perliculture, mais à un moindre degré, les bénitiers participent à l’économie du Pays et surtout à l’image de ses lagons à l’étranger », indique Marc-André Lafille.


À l’état sauvage, en collectage ou en écloserie
Et pour trouver cette richesse, il faut aller voir du côté des lagons polynésiens où les bénitiers peuvent tout simplement se développer à l’état sauvage… Mais pas n’importe où ! Car s’ils sont peu nombreux dans les eaux tahitiennes où ils sont surpêchés, certains atolls, notamment dans les Tuamotu de l’est (Reao, Napuka, Fakahina, Fangatau…), ou encore aux Australes (principalement Tubuai et Raivavae), connaissent une abondance exceptionnelle de bénitiers dans leur lagon « avec des densités parmi les plus importantes au monde pouvant atteindre plus de 500 bénitiers au mètre carré sur certains sites dans les Tuamotu de l’est », précise Marc-André Lafille.
Cette richesse peut aussi « s’élever » en aquaculture et la Polynésie compte environ 8 aquaculteurs- professionnels de bénitiers. On peut en effet trouver des fermes d’élevage de naissains de bénitiers comprenant des stations de collectage (captage de naissains), dans le lagon de Reao depuis 2010. « Il y a eu quelques essais d’implantation d’activités de collectage sur l’île de Tubuai, mais cela n’a pas fonctionné », confie le spécialiste avant d’ajouter : « Par contre, il y a actuellement un projet de développement d’écloserie sur Tubuai après celle de Tahiti. La très grande qualité d’eau du lagon de Tubuai, ainsi que les températures plus fraîches que les îles de la Société ou encore des Tuamotu, sont de bons atouts. Tubuai est un superbe spot », note le responsable du programme aquacole à la Direction des ressources marines, qui soutient le projet avec intérêt.


Une gestion raisonnée
Mais si ces bénitiers ont la cote et si leur développement est souhaité, la protection et l’exploitation de ces bivalves vivants sont également un sujet essentiel pour la Direction des ressources marines (DRM), très attentive à leur gestion raisonnée, tout comme l’est la communauté internationale. Leur commerce international est en effet encadré par des normes internationales strictes afin de les préserver. Ainsi, la Convention internationale de Washington ou CITES (Convention on International Trade of Endangered Species of Wild Fauna and Flora) prévoit des mesures destinées à réguler la commercialisation sur le marché international des espèces de bénitiers, notamment par l’instauration de permis d’exportation et d’importation basés sur le niveau d’exigence de préservation de la ressource. Aussi, pour pouvoir exporter, la Polynésie française a-t-elle dû mettre en place une réglementation spécifique à l’espèce relative à l’exploitation en cas d’export. Ainsi, le développement d’une aquaculture respectueuse de la ressource, de l’environnement et des populations, ainsi qu’une gestion durable des stocks sauvages exploités, associés à un système de traçabilité des produits, sont des éléments indispensables mis en place par la DRM dans le cadre d’un schéma stratégique de gestion de la ressource validé par la CITES.
Localement, différentes délibérations et autres mesures de protection régissent la gestion des stocks, la pêche de bénitiers adultes, ainsi que l’aquaculture et le réensemencement de ces bivalves. Il est d’ailleurs absolument interdit de pêcher ou de détenir un bénitier (ou sa coquille) de moins de 12 cm en Polynésie française, mis à part ceux d’aquaculture. Cette stratégie de gestion et d’exploitation durable est actualisée régulièrement, puisqu’elle évolue en fonction des aléas de cette ressource précieuse, mais fragile.

